Signalisation portant l’ancien nom de l’Université Ryerson, rebaptisée depuis Toronto Metropolitan University, sur le campus universitaire de Toronto, le 26 avril 2022.Chris Young/La Presse Canadienne
Si vous voulez comprendre pourquoi le nombre d’étudiants titulaires d’un visa dans les universités et collèges du Canada – particulièrement en Ontario, et particulièrement dans les collèges – a augmenté si fortement ces dernières années, suivez l’évolution de l’argent.
Un sentier mène à un endroit inattendu : ma voiture.
Au printemps 2022, l’Ontario m’a envoyé un chèque de 440 $. Le gouvernement Ford venait de rendre gratuit le renouvellement de l’immatriculation de votre véhicule – cela coûtait auparavant 120 $ par an – et cette décision était rétroactive à 2020. J’avais payé mes frais à l’avance jusqu’à fin 2023, j’ai donc été remboursé au début de la décennie.
Il y a plus. Chaque fois que je fais le plein, j’économise environ 3 $, grâce à la réduction de 5,7 cents le litre de la taxe sur l’essence en Ontario. La réduction est entrée en vigueur à l’été 2022. Elle ne devait durer que six mois, mais elle a été prolongée et prolongée et devrait désormais durer jusqu’à (au moins) l’été 2024.
La suppression des frais d’immatriculation des véhicules coûte au gouvernement de l’Ontario 1,1 milliard de dollars par année. La réduction des taxes sur l’essence et le diesel coûte au Trésor 1,2 milliard de dollars par an.
Ces mesures sont peut-être populaires – ai-je raté les manifestations contre elles ? – mais ils ne sont pas gratuits. Ils représentent 3,3 milliards de dollars par année que Queen’s Park ne peut pas dépenser pour autre chose. Comme, disons, l’éducation postsecondaire.
Selon le groupe d’experts que l’Ontario a formé pour le conseiller sur la viabilité financière des universités et collèges publics et qui a rendu son rapport la semaine dernière, le soutien des contribuables de la province à l’enseignement supérieur est le plus faible au pays.
En 2021-2022, l’aide publique par étudiant aux universités du reste du Canada s’élevait à 20 772 $. Le chiffre de l’Ontario représentait à peine plus de la moitié de ce montant, soit 11 471 $ par étudiant. Le financement public par étudiant collégial de l’Ontario s’élevait à 6 891 $, soit seulement 44 pour cent de la moyenne des autres provinces.
L’autre source majeure de financement de l’enseignement supérieur sont les frais de scolarité, et le gouvernement Ford a également mis la pression là-dessus. En 2019, il a réduit les frais de scolarité de 10 pour cent, puis les a gelés, et c’est là qu’ils restent. Selon le budget de l’Ontario de 2022, cela permettra aux étudiants ontariens d’économiser – et coûtera aux universités et collèges – 450 millions de dollars par an.
Mais la nécessité est la mère de l’invention financière. C’est ainsi que les universités publiques, et notamment les hautes écoles, découvrent une nouvelle source de financement : les étudiants étrangers. Leur nombre est potentiellement illimité et leurs frais de scolarité ne sont pas plafonnés.
Les gouvernements provinciaux, menés par l’Ontario, ont encouragé les institutions à aller dans cette direction. Et tous ont été rendus possibles grâce au système de visa étudiant du gouvernement fédéral. Il ne fait aucune distinction entre les institutions ou programmes publics, n’exerce aucun contrôle sur la qualité et ne limite pas le nombre de visas proposés.
De plus, le système de visa étudiant sert désormais à alimenter à la fois le flux des travailleurs étrangers temporaires et le flux de l’immigration permanente. Et pour de nombreux étudiants étrangers, c’est une chance d’obtenir la citoyenneté canadienne que leurs frais de scolarité achètent réellement.
Les étudiants titulaires d’un visa sont autorisés à travailler pendant leur inscription. Même un travail peu rémunéré, combiné à des diplômes canadiens – y compris ceux dont la valeur économique est douteuse – augmente considérablement les chances d’un étudiant étranger d’obtenir l’un des prix les plus précieux au monde : la citoyenneté canadienne.
C’est ce que vendent efficacement de nombreux établissements d’enseignement canadiens. Cela aide à expliquer pourquoi le nombre d’étudiants étrangers en Ontario est passé à 412 000 en 2022, contre 46 000 en 2000.
Dans le cas des étudiants titulaires d’un visa inscrits à des programmes haut de gamme à rendement économique élevé – depuis des diplômes supérieurs en informatique et en ingénierie jusqu’à des apprentissages dans les métiers spécialisés les mieux rémunérés – encourageant les étrangers à étudier au Canada et leur offrant un cheminement postuniversitaire vers la citoyenneté, est une excellente idée. Tirons parti du système éducatif pour recruter les meilleurs et les plus brillants, ce qui augmentera notre PIB par habitant.
Malheureusement, une grande partie du système de visa a été détournée vers d’autres fins. En fait, nous vendons la citoyenneté à bas prix, les fonds provenant du sous-financement de l’enseignement supérieur par les gouvernements provinciaux.
Les collèges publics de l’Ontario ont mené la course aux liquidités étrangères, plusieurs d’entre eux établissant des « campus » satellites dans la région de Toronto – généralement des chambres dans un centre commercial ou un immeuble de bureaux – en partenariat avec un opérateur privé. Les diplômes d’un collège public sont essentiels, car ils ouvrent la voie à la citoyenneté en conférant le droit de rester au Canada pour travailler après l’obtention du diplôme, même pour les programmes non diplômants.
Le groupe d’experts de l’Ontario propose deux premières petites mesures qui peuvent commencer à freiner cet état de choses.
Il recommande que les frais de scolarité dans les universités et collèges de l’Ontario soient augmentés de 5 pour cent immédiatement, et qu’ils puissent ensuite augmenter en fonction du taux d’inflation, une grande partie des nouveaux fonds étant destinée à l’aide financière aux étudiants nationaux à faible revenu.
Le panel souhaite également que le gouvernement fournisse un complément unique de 10 pour cent au financement des universités et des collèges, les augmentations futures du financement par étudiant étant liées à l’inflation.
Ces deux mesures signifieraient (légèrement) moins de dépendance à l’égard des études étrangères.
Au cours du dernier exercice financier, le gouvernement de l’Ontario a dépensé 11,6 milliards de dollars pour l’éducation postsecondaire. Augmenter ce montant de 10 pour cent, comme le propose le groupe, coûterait environ 1,2 milliard de dollars par an.
C’est le même coût que l’immatriculation gratuite des véhicules. C’est le prix de la réduction de la taxe sur l’essence.
Comme le dit le vieil adage, gouverner, c’est choisir.