Éditorial du Globe : Ne renoncez pas à la concurrence pharmaceutique

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Une personne marche devant une pharmacie d’épicerie Loblaws à Ottawa, le 26 avril 2021.Justin Tang/La Presse Canadienne

Plus tôt cette année, Manuvie (le plus grand assureur du Canada) et Loblaw (le plus grand épicier du Canada) se sont retrouvées dans une situation délicate, à juste titre.

Les deux sociétés avaient conclu une entente selon laquelle les pharmacies appartenant à Loblaw seraient le fournisseur exclusif de certains médicaments destinés aux patients atteints de maladies chroniques couverts par le régime d’assurance médicaments spécialisés de Manuvie.

Les groupes de patients et les pharmacies indépendantes ont déclaré qu’un tel accord était erroné car il limitait la capacité des patients à travailler avec les pharmaciens de leur choix et donnait trop de contrôle au grand détaillant.

Après des semaines de pression, les deux sociétés ont cédé et annoncé qu’elles annuleraient l’accord. Affaire close, non ? Les entreprises, convenablement réprimandées, ont retenu la leçon, n’est-ce pas ? Personne dans l’industrie ne tentera plus jamais un tel arrangement, n’est-ce pas ?

Pas si vite. L’accord Manuvie-Loblaw a peut-être retenu toute l’attention, mais les réseaux privilégiés de pharmacies (ou de fournisseurs) (RPP), comme on les appelle dans l’industrie, sont de plus en plus courants, ce qui constitue une tendance inquiétante.

Le choix des patients doit être protégé dans tous les domaines des soins de santé, y compris dans le secteur pharmaceutique, et les assureurs et les prestataires de soins doivent être transparents dans leurs relations commerciales.

Il existe différents types de PPN. Les réseaux dits ouverts donnent aux patients le choix de faire leurs achats auprès de prestataires privilégiés pour obtenir de meilleurs prix, même si les réclamations hors réseau seront toujours traitées. Les réseaux fermés – l’accord Manuvie-Loblaw en est un exemple – limitent les patients à une liste de prestataires approuvés.

Tous les grands assureurs-maladie privés proposent une sorte de PPN pour la couverture des médicaments. La plupart affirment que leurs réseaux sont ouverts, même si les patients et les pharmaciens affirment que même ces réseaux peuvent être difficiles à naviguer.

Ouverts ou fermés, ces réseaux donnent aux assureurs différents degrés de contrôle sur la manière dont les patients peuvent acheter leurs médicaments. Certains assureurs vont même plus loin en ouvrant leurs propres pharmacies, comme l’ont fait Greenshield et Sun Life.

Il y a même le cas de Telus Health, qui, depuis le 1er mars, restreint ses employés à l’achat de médicaments dans sa propre pharmacie. (L’entreprise a déclaré à la SRC que cette décision permettrait d’économiser de l’argent car elle se facturerait des frais d’exécution d’ordonnance moins élevés.)

Les assureurs affirment qu’ils sont poussés à conclure ce genre d’accords pour réaliser des économies face à la hausse des coûts des médicaments.

Il convient tout d’abord de reconnaître qu’il s’agit là d’un véritable problème. Le Canada est le troisième pays au monde où les coûts des médicaments sont les plus élevés, et ils continuent d’augmenter, en particulier pour les médicaments incroyablement coûteux utilisés pour traiter des maladies rares.

L’Institut canadien d’information sur la santé a déclaré que les régimes publics ont dépensé 6,4 pour cent de plus en médicaments en 2022, après une augmentation de 7,4 pour cent l’année précédente. (Les données détaillées sur les régimes privés ne sont pas disponibles.) Plus de 40 pour cent des dépenses publiques en médicaments ont été consacrées aux médicaments destinés à 2 pour cent des patients, car certains médicaments peuvent coûter 250 000 $ par personne et par an.

Les assureurs maladie, publics ou privés, doivent payer la note. Ils ne devraient pas avoir à le faire seuls. Comme cet espace l’a déjà soutenu, les gouvernements provinciaux devraient permettre aux assureurs privés de partager les économies réalisées grâce aux négociations avec les fabricants de médicaments. Et le voile du secret devrait être levé sur ces négociations afin que les Canadiens puissent être sûrs que nous obtenons effectivement les meilleures offres disponibles.

Cela dit, la hausse des coûts ne constitue pas une raison pour restreindre l’accès des patients.

Si les assureurs continuent d’exploiter ces réseaux, ils doivent être ouverts et transparents. Les patients doivent savoir qu’ils ont la possibilité de sortir du réseau. Les assureurs doivent être clairs sur les types d’accords financiers qu’ils ont avec les prestataires vers lesquels ils envoient des patients.

Cela a été un problème parmi les assureurs automobiles, où les opérateurs de réseaux reçoivent une part des revenus des prestataires de soins de santé pour leur envoyer des patients – même si les frais de référence sont interdits.

Le Québec a promulgué une loi en 1992 selon laquelle les patients avaient le choix du professionnel de la santé à consulter, ce qui a eu pour effet d’interdire de facto les PPN dans la province. L’Ordre des pharmaciens de l’Ontario a décidé lundi de faire pression pour des restrictions similaires en Ontario. D’autres juridictions devraient également adopter de telles lois.

Les Canadiens devraient avoir la possibilité de consulter le professionnel de la santé de leur choix, qu’il s’agisse d’une pharmacie du coin ou d’un magasin à grande surface.

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