Opinion : Le retour en arrière de l’ARC sur les simples fiducies est trop peu et trop tard

Ouvrez cette photo dans la galerie :

Un panneau de l’Agence du revenu du Canada à l’extérieur de l’administration centrale, à l’édifice Connaught, à Ottawa, le lundi 1er mars 2021.Justin Tang/La Presse Canadienne

Geoffrey Turner est avocat fiscaliste à Toronto et professeur adjoint à la faculté de droit de l’Université de Toronto et à la faculté de droit Osgoode Hall. Il était le candidat du Parti conservateur dans Etobicoke-Centre aux élections fédérales de 2021.

Quelques jours seulement avant la date limite de production des fiducies du 2 avril, l’Agence du revenu du Canada a annoncé que les simples fiducies n’auraient finalement pas à produire de déclaration T3 pour 2023.

Il s’agit d’une décision sensée, mais elle est arrivée beaucoup trop tard, le dernier jour ouvrable avant le pont de Pâques précédant la date d’échéance. De nombreux Canadiens touchés par les nouvelles règles de déclaration des fiducies avaient déjà produit ou complété en grande partie leur déclaration. Ces contribuables respectueux des lois avaient du mal à comprendre s’ils étaient visés par les nouvelles règles et devaient payer des frais importants pour les professionnels comptables et juridiques pour les aider à préparer leurs déclarations. Aujourd’hui, on leur dit tardivement que tout cela n’était pas nécessaire.

Les nouvelles règles de déclaration des fiducies ont été proposées pour la première fois dans le budget fédéral de 2018 et sont finalement entrées en vigueur pour l’année civile 2023. Leur objectif apparent était de regrouper toutes les fiducies dans le système de l’ARC et ainsi de minimiser les fuites provenant des revenus de fiducie non déclarés.

Auparavant, les fiducies sans revenu étaient généralement exemptées de l’obligation de produire une déclaration T3 annuelle. Les nouvelles règles éliminent cette exonération pour la plupart des fiducies et exigent que les fiduciaires déposent une déclaration détaillant les informations sur les constituants, les fiduciaires et les bénéficiaires de la fiducie, même lorsque la fiducie n’a aucun revenu et aucun impôt à payer, avec des pénalités importantes en cas de défaut de déclaration.

Plus problématique encore, ces règles ont été étendues à ce que l’on appelle les « simples fiducies », dans lesquelles une personne possède des biens simplement en tant qu’agent d’une autre personne. De nombreux Canadiens ont sans le savoir établi de simples fiducies dans des circonstances familiales courantes, par exemple en étant ajoutés au compte bancaire ou de placement conjoint de leur parent âgé, ou en détenant le titre de propriété de la maison de leur enfant pour les aider à obtenir un prêt hypothécaire. Il était difficile pour les contribuables et leurs conseillers d’évaluer ces situations et la manière dont les nouvelles règles de simple fiducie s’appliquaient. Tous ces efforts et toutes ces dépenses semblent désormais inutiles.

Il n’était pas nécessaire d’étendre la nouvelle exigence de déclaration des fiducies à ces types d’ententes familiales inoffensives ou à d’autres relations commerciales d’agence de simple fiducie. La décision de rendre les règles aussi étendues était déconnectée des réalités de la vie canadienne et insensible aux coûts liés à leur respect, en particulier lorsqu’aucune recette fiscale supplémentaire n’était attendue. L’allègement du dépôt tardif pour les simples fiducies corrige désormais cette portée excessive, du moins pour l’année d’imposition 2023. Il faudrait le rendre permanent.

Même si l’ARC sera blâmée pour cette débâcle, ce n’est pas entièrement sa faute – son travail consiste à administrer les lois fiscales telles qu’elles sont adoptées. La responsabilité de concevoir les règles de déclaration des fiducies, ainsi que la responsabilité de les rendre trop larges et de sous-estimer les conséquences, incombe au ministère des Finances, sous la direction politique de la ministre et de son personnel.

Il est injuste que le gouvernement impose des règles de déclaration inutiles et déroutantes, insiste sur le fait que les Canadiens doivent s’y conformer docilement dans les délais fixés, puis modifie brusquement ces exigences à la dernière minute après que la plupart des gens ont diligemment déposé leur déclaration. Cela mine encore davantage la confiance dans la compétence et la légitimité de notre gouvernement.

Nous disposons d’un système d’autocotisation volontaire pour la déclaration fiscale, et nous comptons sur le sens du devoir civique des Canadiens pour déclarer honnêtement leurs revenus, payer leurs impôts et se conformer à la loi en temps opportun. Après avoir produit leurs T3 de simple fiducie avant la date limite et se faisant maintenant dire que leurs efforts et leurs frais ont été vains, de nombreux Canadiens pourraient maintenant se sentir punis pour avoir fait ce qu’il fallait. Devraient-ils désormais être indemnisés pour les coûts liés à leur mise en conformité ?

Le renversement de la onzième heure aurait pu être excusable, sauf que ce n’est pas la première fois et qu’il devient une tendance inquiétante. Pas plus tard que le 31 octobre 2023, date limite déjà prolongée pour produire la première déclaration de taxe d’habitation sous-utilisée pour 2022 (initialement due le 1er mai 2023), l’ARC a annoncé une prolongation supplémentaire de six mois d’une nouvelle obligation de conformité tout aussi excessive. Le report répété des délais de déclaration juste avant la date d’échéance mine la crédibilité du gouvernement, désavantage les contribuables qui s’y conforment à temps avant la prolongation, et récompense et encourage les comportements délinquants.

Ce triste épisode est une preuve supplémentaire d’un gouvernement qui continue d’imposer de nouvelles taxes et d’élargir les exigences en matière de divulgation et de déclaration, avec une indifférence systématique à l’égard du fardeau croissant de conformité supporté par les contribuables. Cela montre l’échec de la politique fiscale dirigée par des agents politiques qui n’apprécient pas suffisamment l’impact de leurs propositions sur les contribuables. Nous devons de toute urgence recentrer la politique fiscale afin de réduire la complexité et les coûts d’observation injustifiés, et restaurer la confiance des Canadiens dans l’intégrité de notre système fiscal.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *