Éditorial du Globe : L’immigration est plus qu’un jeu de chiffres

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Le ministre canadien de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, participe à une conférence de presse à Ottawa le 29 janvier.Blair Gable/Reuters

Si quelqu’un avait besoin d’une preuve supplémentaire que le gouvernement libéral a perdu le contrôle de l’immigration, elle est arrivée cette semaine sous la forme d’un nouveau rapport de Statistique Canada sur le nombre de résidents temporaires au pays.

Jeudi dernier, le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a déclaré qu’il y avait 2,5 millions de résidents temporaires au Canada et qu’ils représentent 6,2 pour cent de la population. Il a annoncé que son gouvernement réduirait cette part à 5 pour cent au cours des trois prochaines années dans le cadre d’un effort de réforme d’un système galopant.

Mais attendez une minute : cette semaine, mercredi, Statistique Canada a déclaré qu’il y avait en réalité 2,7 millions de résidents temporaires au Canada, et qu’ils représentent 6,5 pour cent de la population.

La vie arrive vite en politique. Le plan annoncé la semaine dernière par M. Miller visant à réduire la proportion de résidents temporaires dans la population est déjà en retard sur les événements. Là encore, il est exagéré de qualifier cela de « plan », car il ne contient aucun détail sur la manière dont il sera mis en œuvre.

Le gouvernement libéral improvise une fois de plus des solutions face à la montée de l’immigration survenue sous son mandat. Cette hausse est historique : la population du Canada a augmenté de 3,2 pour cent en 2023, le rythme le plus rapide depuis 1957, a indiqué mercredi Statscan. Le nombre de résidents temporaires au Canada a presque doublé en deux ans.

Les solutions proposées jusqu’à présent par le gouvernement incluent un plafond de deux ans pour les nouveaux étudiants internationaux, qui représentent 42 pour cent des résidents temporaires. Les libéraux ont également rétabli l’obligation de visa pour certains voyageurs mexicains. Et ils resserrent certaines règles concernant les travailleurs étrangers temporaires, comme en réduisant le pourcentage de la main-d’œuvre (avec des exceptions pour les soins de santé et la construction) qui peut être composée de TET.

Au mieux, les récentes annonces d’Ottawa peuvent être considérées comme un signal à l’économie et au monde que des changements sont à venir. Mais ce que les libéraux n’ont pas fait, c’est annoncer des objectifs politiques cohérents qui guideront les chiffres de l’immigration à l’avenir.

Cette nécessité a été renforcée par deux nouvelles récentes : premièrement, un avertissement de la Banque du Canada selon lequel la faible productivité du travail du pays et les faibles niveaux d’investissement des entreprises constituent une « urgence » ; l’autre, une nouvelle étude de la Banque Scotia, selon laquelle l’explosion démographique des deux dernières années est responsable des deux tiers de la baisse de productivité du Canada.

C’est simple, mathématique. Une surabondance de résidents temporaires rend l’embauche de personnes à bas salaires moins coûteuse que l’investissement dans l’équipement ou la recherche de moyens d’augmenter la productivité du travail. C’est également mauvais pour les résidents temporaires qui doivent accepter des emplois qui ne correspondent pas à leurs compétences et qui n’ont pas les moyens de payer un loyer.

Les libéraux disent toujours toutes les bonnes choses à propos de l’immigration : comment elle a construit le Canada moderne et constitue le seul moyen pour un pays avec un faible taux de natalité de croître et de prospérer.

Ce qu’ils n’ont toujours pas dit, c’est comment ils entendent relier les futurs niveaux d’immigration à la prospérité économique du Canada, et quelles politiques donneront forme à cet objectif.

Le rapport de la Banque Scotia suggère qu’il existe un « point idéal » pour les niveaux d’immigration qui garantira la croissance du Canada tout en maintenant la productivité. Mais le Canada a dépassé ce seuil idéal l’année dernière « par plusieurs », affirment les banques.

Pour trouver ce juste milieu, le gouvernement devra prêter attention aux données, définir ses objectifs économiques en matière d’immigration (tout en gardant la porte ouverte aux cas humanitaires) et cesser de jouer avec les chiffres.

La semaine dernière, M. Miller a reconnu la responsabilité de son gouvernement dans la situation de l’immigration au Canada. « Les décisions de politique publique ont des conséquences auxquelles nous ne réfléchissons parfois pas pleinement », a-t-il déclaré lors d’un forum organisé par l’Université métropolitaine de Toronto.

Le gouvernement libéral doit apprendre de ses erreurs et réfléchir aux prochaines étapes, afin de ne pas surcorriger ou sous-corriger.

Cela signifie affiner le système de classement basé sur des points pour garantir que les nouveaux arrivants sont les mieux adaptés aux besoins du pays, et fixer des plafonds adaptés à l’état de l’économie et aux infrastructures de logement du pays.

Cela signifie baser les niveaux d’immigration sur des données, et non sur ce qui semble bon dans un communiqué de presse. Cela signifie se rappeler que le rôle propre de l’immigration est de garantir que le Canada et les gens qui viennent ici puissent prospérer.

Surtout, cela signifie ne plus s’envoler.

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