Opinion : L’ingérence politique dans les fonds de pension du Canada est une erreur

Ouvrez cette photo dans la galerie :

Dans son budget 2024, Ottawa a annoncé que l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, dirigerait un groupe chargé d’explorer les moyens de rendre plus attrayant pour les fonds de pension d’investir au pays.Sean Kilpatrick/La Presse Canadienne

Anthony Pizzino est le directeur général de l’Association nationale des retraités fédéraux.

L’économie canadienne aurait besoin d’un coup de pouce, mais tenter d’imposer des investissements aux fonds de pension est une erreur et une injustice.

Pourtant, dans une lettre ouverte du mois dernier, c’est essentiellement ce que 92 chefs d’entreprise de partout au pays ont exhorté les ministres des Finances fédéral et provinciaux à faire. Ils soutiennent que les ministres devraient modifier les règles régissant les fonds de pension pour les encourager à « investir au Canada » et suggèrent que le gouvernement « a le droit, la responsabilité et l’obligation de réglementer le fonctionnement de ces régimes d’épargne ».

Aujourd’hui, le gouvernement fédéral se plie à leur demande. Dans le budget de mardi, le gouvernement a annoncé que l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, dirigerait un nouveau groupe de travail chargé d’explorer les moyens de rendre plus attrayant pour les fonds de pension d’investir au pays.

À première vue, cela semble raisonnable. Mais c’est une pente glissante vers davantage d’ingérence politique dans les investissements des fonds de pension. Et une telle démarche reflète un problème plus profond.

Il ne s’agit pas d’investir au Canada pour stimuler l’économie, comme le disent ces 92 auteurs de lettres; il s’agit pour ces chefs d’entreprise de voir l’argent qu’ils souhaitent consacrer à leurs entreprises. Une telle politique équivaudrait à une subvention aux entreprises utilisant l’épargne-retraite des Canadiens.

Les Canadiens qui travaillent dur ne veulent pas que les gouvernements fassent de la politique avec leurs pensions. L’argent des fonds de pension canadiens, comme le Régime de pensions du Canada (RPC), représente leur épargne-retraite. Les fonds ne sont pas là pour fournir une source d’investissement aux sociétés privées ou pour augmenter la valeur du cours des actions d’une société cotée en bourse. Les retraites existent pour une raison ; ils assurent la sécurité du revenu de retraite à long terme aux Canadiens.

Les fonds de pension n’ont pas pour mission d’investir dans des choses qui pourrait gagner de l’argent dans 25 ans. Même s’ils peuvent investir dans des placements à long terme, ils s’intéressent aux placements qui rapporteront de l’argent maintenant, afin d’assurer la retraite des participants à leur régime – leur raison d’être. Ils ont une obligation fiduciaire. En d’autres termes, les régimes de retraite financés par les contribuables ne sont pas des caisses noires pour les entreprises. Les fonds de pension sont là pour les participants au régime et doivent être responsables envers les employés et les retraités qui ne devraient pas être privés de leurs prestations de retraite.

De plus, même si les fonds de pension sont constitués de cotisations des travailleurs et des employeurs, la majeure partie de ces fonds est le résultat de revenus sur des investissements qui n’existeraient pas sans les investissements initiaux. Les investisseurs dans les fonds de pension sont avisés. S’il y avait plus d’argent à gagner en investissant dans les actions publiques canadiennes, les régimes de retraite le feraient déjà.

Nous ne devrions pas considérer le Canada comme un petit pays, mais sur le plan économique, il représente moins de 3 pour cent du PIB mondial. Pourtant, nos régimes de retraite comptent parmi les plus importants et les plus efficaces au monde. Il n’existe donc pas un nombre suffisant d’opportunités rentables dans lesquelles les fonds de pension pourraient investir sans se marcher sur les pieds. La politique proposée pourrait en fait créer une concurrence artificielle entre les régimes de retraite pour ces investissements potentiels limités.

Il est important de diversifier et de ne pas concentrer tous nos œufs d’investissement dans le même panier. Avoir un portefeuille comprenant des investissements partout dans le monde réduit les risques et augmente les possibilités de croissance, rendant ainsi la retraite des Canadiens plus sûre.

Il y a aussi le fait que la plupart des régimes de retraite du Canada pèsent déjà plus que leur poids lorsqu’il s’agit d’investir au Canada. Les fonds de pension tels que le Healthcare of Ontario Pension Plan et le Ontario Teachers’ Pension Plan ont déjà plus du tiers de leurs fonds investis au Canada. Les fonds de pension canadiens préfèrent investir ici pour une multitude de raisons, et ils le font autant que possible.

En réponse à la lettre des chefs d’entreprise, plusieurs anciens dirigeants de régimes de retraite ont rédigé un article d’opinion dans ce journal dénonçant cette idée. En partie, ils ont fait valoir que le Canada est un modèle mondial en matière de retraite, en grande partie parce que ses régimes ont été autorisés à investir et à croître sans ingérence politique.

Ces anciens PDG ont raison. Un changement vers une politique saine de non-ingérence n’est pas judicieux. Nous ne devrions pas toucher à l’indépendance des conseils d’investissement des fonds de pension comme l’Office.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *